Hommage aux vignobles escarpés

Le vin, compris comme un bien culturel de qualité, artisanal et produit de manière écologique, reste un vin avec une origine, façonné par son terroir et l’histoire dont il est issu. Et bien sûr par les personnes qui cultivent la vigne. Les vins de qualité et de caractère proviennent souvent de vignobles escarpés. Qu’est-ce qui les rend si particuliers ?

Les amateurs de vin de tous horizons aiment flâner dans les vignobles du Lavaux et s’émerveiller devant ces terrasses soutenues par d’innombrables murs de pierre. Ils ne rechignent pas non plus à gravir par d’étroits chemins les impressionnantes pentes du Valais, et, le regard tourné vers le ciel, à admirer les plus hauts murs de pierre sèche de Suisse. Ils se rendent aussi sur des pentes vertigineuses en Allemagne, en Moselle ou dans la vallée du Neckar, dans la Wachau autrichienne, sur les rives du Rhône français, dans les appellations Hermitage, Côte Rôtie ou Condrieu. Ils vont au Portugal, dans la région du Douro, en Italie au Val d’Aoste, en Valtellina, aux Cinque Terre ou en Espagne découvrir le paysage à couper le souffle des canyons de la Ribeira Sacra, en Galice.

Les qualités des vignobles escarpés

Façonnés par la nature et l’homme, ces paysages culturels uniques sont fantastiques. Parfaits sujets de photo, souvent représentés en peinture, ce sont des lieux à protéger absolument. Mais qu’en est-il des vins qui sont issus de ces pentes ? Y a-t-il vraiment une différence qualitative entre un vin dont le raisin a poussé en plaine ou sur des coteaux abrupts ? Bien sûr, répondent les experts unanimes. « C’est un truisme de dire que le vin issu de vignes en pente est meilleur » estime même l’auteur anglais Hugh Johnson. Une évidence qui était déjà connue des anciens Romains : Bacchus amat colles (Bacchus aime les collines). Le mot allemand Rebberg, qui signifie « vignoble », contient d’ailleurs en lui-même le mot Berg, pour « mont, montagne », s’il fallait un indice de plus !

Depuis le Haut Moyen Âge en tout cas, des moines ont défriché les versants abrupts tournés vers le sud, aménageant des vignobles en terrasses. En Lavaux, mais pas seulement. Ces terrasses facilitent la culture, réduisent le glissement du sol et stabilisent la pente. Mais pourquoi les vignobles escarpés produisent-ils de meilleurs vins ?

Sous les latitudes plus septentrionales de l’Europe centrale, le soleil n’est pas à la verticale au-dessus des vignobles, même en plein été. Ainsi, plus la pente est raide, plus le rayonnement solaire est efficace. Dans cette disposition, le sol emmagasine davantage la chaleur du soleil durant la journée puis la libère pendant la nuit, ce qui profite aux vignes.

Ensuite, la déclivité favorise les conditions mésoclimatiques, comme le souligne Jancis Robinson MW : l’air frais de la nuit s’écoule sans entrave le long de la pente, et le danger de gel y est donc nettement plus faible qu’au pied de celle-ci, sur terrain plat. Par ailleurs, en altitude, le cycle végétatif de la vigne, ralenti, s’étale sur une plus longue période, ce qui permet d’obtenir des vins plus aromatiques et plus complexes. Enfin, sur les pentes raides, les sols sont moins profonds, ce qui freine la fertilité des vignes, obligeant les racines à s’enfoncer plus profondément à la recherche d’eau et de nutriments. Tous ces éléments contribuent à la qualité des vins.

Selon la définition donnée par les auteurs de « Roche et Vin, à la découverte des vignobles suisses », le terme de terroir désigne l’interaction complexe de divers facteurs, parmi lesquels figurent non seulement l’emplacement, le sous-sol, le sol, l’équilibre hydrique, le climat, la biodiversité, l’humain et le temps, mais aussi la topographie. Cette dernière résulte de forces tectoniques puissantes et dynamiques, remodelées au fil des âges par la gravité, la glace, le vent et l’eau. Les glaciers ont sculpté des vallées et des escarpements qui sont aujourd’hui couverts de vignobles spectaculaires. En plus des moraines glaciaires, les éboulis créés par les glissements de terrain ou les torrents de montagne, comme ceux que l’on trouve souvent en Valais, forment justement un terreau idéal pour la culture de la vigne.

Dans la Valteline en Lombardie (Italie), les vignes de Nebbiolo (appelé ici Chiavennasca) épousent les courbes de niveau.
Dans la Valteline en Lombardie (Italie), les vignes de Nebbiolo (appelé ici Chiavennasca) épousent les courbes de niveau.

Le revers de la médaille

Les vins de qualité ont leur prix. Surtout lorsqu’ils proviennent de vignobles en pente. Aussi belles que soient les vignes en terrasses, elles entraînent beaucoup d’efforts et de dépenses. Malgré le terrassement, l’érosion reste un problème et les fortes pluies peuvent provoquer des glissements de terrain. La mécanisation est presque impossible, dans le meilleur des cas un système de câbles ou un monorail à crémaillère vertigineux aident au transport de lourdes charges, mais dans bien des endroits les pierres, les outils et les caisses à vendanges pleines doivent être transportées à dos d’homme comme autrefois. Un travail manuel plus important qui entraîne des coûts nettement plus élevés.

La quantité de travail nécessaire par an et par hectare sur des pentes raides aidé d’un système de câble est d’environ 1000 heures, et jusqu’à 1400 heures sur les coteaux en terrasse où seul le travail manuel est possible. En plaine, avec une mécanisation complète, il faut compter 300 heures, et 600 heures en légère pente. La quantité de travail nécessaire sur les pentes raides est donc deux à trois fois plus élevée que sur les pentes douces.

Les murs de vigne – malédiction ou bénédiction ?

À cela s’ajoute l’entretien des murs de pierre, éléments caractéristiques du paysage qui constituent un habitat pour les plantes et les animaux. Presque partout, y compris en Valais, ce sont des murs en pierre sèche. Ce n’est qu’en Lavaux, où les sols marneux et argileux prédominent, que les murs sont traditionnellement construits avec du mortier. Les murs de Lavaux font environ 450 km de long, en Valais on estime qu’ils mesurent jusqu’à 2000 km.

Les murs, rongés par les ravages du temps, s’effondrent parfois. Leur reconstruction pèse sur le portefeuille des viticulteurs. En 2015, un viticulteur de Lavaux a par exemple payé 1320 francs pour un mètre carré de mur qu’il a fait reconstruire par des spécialistes. Pour le mur de 6,5 x 3 m, la facture s’élève à près de 26’000 francs. En règle générale, le canton contribue aux coûts avec une subvention d’un tiers au maximum. Faire le travail soi-même réduit les coûts, mais augmente la quantité de travail. En Valais, on estime que cet entretien provoque une hausse d’environ 35 % des coûts de production d’une bouteille de vin. Mais cela n’en vaut-il pas la peine ? Après tout, au-delà des subventions, la survie ou non des vignobles en terrasses d’Europe est entre nos mains. Ce n’est qu’en payant des prix équitables pour ces vins en tant que consommateurs, que les viticulteurs peuvent assurer leur survie économique. Et continuer à prendre soin de leurs vignobles vertigineux.

Offre spéciale Noël

Vous souhaitez inviter un de vos proches à rejoindre le club DIVO?

Recevez un bon cadeau de CHF 100.- pour chaque filleul-e inscrit-e dont la première commande dépassera CHF 200.-.

Votre filleul-e bénéficiera de la cotisation (CHF 25.00) gratuite la première année et recevra un coffret de bienvenue d’une valeur de CHF 45.90.


Vos coordonnées
Votre filleul-e

Processus